dimanche 29 mai 2011

EFT pour un "homme fort" vétéran de guerre

Parfois, il faut beaucoup de talent juste pour faire faire l'EFT à quelqu'un et cela peut être doublement difficile lorsque le client est un vétéran de guerre qui se veut "homme fort", "macho", et dont l'image de soi résiste à toute proposition d'aide. Et surtout, l'EFT peut paraître une technique tellement étrange !


Le Dr Patricia Carrington nous guide à travers un cas important impliquant des images récurrentes de guerre. Elle a pu le gérer facilement mais SEULEMENT après que son client "macho" ait réussi à lâcher sa forte résistance à se faire aider. Il s'agit d'une véritable leçon où se mélangent l'art de présenter les choses, l'autorité et la congruence personnelle (c'est-à-dire le fait pour le praticien d'être à 100% sincère dans ce qu'il dit par rapport à ce qu'il pense, NDT). Gary Craig.

UTILISATION DE LA "TECHNIQUE DU TRAUMA SANS LARMES" 


Traduction de la page en anglais :
**http://www.emofree.com/Trauma/macho.htm**

par le Dr Patricia Carrington :

Chers correspondants,

Aujourd'hui, je vais décrire la manière dont j'ai utilisé la "Technique du Traumatisme sans Larmes" pour aider un vétéran du Viet Nam, "Tommy", à accepter l'EFT bien que le protocole standard ait risqué de lui provoquer des réactions qui auraient été contraires à son image de lui-même. Dans ce cas, il aurait probablement refusé de participer au traitement.
Bien que, comme vous le verrez, Tommy ait pu finalement se sortir d'un grave problème d'images récurrentes de combats grâce à l'utilisation d'EFT, je suis presque certaine qu'il n'aurait pas répondu au traitement si je n'avais pas structuré de la session afin que son image de lui-même en tant qu'homme super-fort (ici, le sens de "macho" aux USA) reste intacte.

Tommy est un géant amical et serviable que presque tout le monde aime. Il pèse plus de 100 kilos et a une foule de problèmes physiques, certains d'entre eux étant les restes de blessures de guerre qui le laissent handicapé dans une large mesure. Dans ses bons jours, cependant, il peut soulever un bureau en métal pour le mettre sur un camion, aussi facilement que la plupart d'entre nous pouvons soulever un sac de produits d'alimentation. Il travaille avec succès dans tous les genres imaginables de bricolage et d'entretien et, en raison de sa force énorme, il a travaillé de temps en temps comme videur dans une boîte de nuit.

Il s'est auto-proclamé défenseur des faibles, et l'année dernière il a évité à une femme d'être violée parce qu'il a entendu ses cris en se promenant dans une cité de logements pour faibles revenus. Tommy a couru vers le lieu de l'attaque, a attrapé l'assaillant par la peau du cou et l'a jeté par-dessus une clôture de huit pieds de haut. L'agresseur s'est cassé les deux jambes en atterrissant sur le béton et, à cause des tours et contours de la justice américaine, Tommy a été obligé de se défendre devant le tribunal contre ce violeur en série qui l'accusait de coups et blessures. Tommy a gagné son procès lorsqu'il a été démontré que le violeur avait déjà eu de multiples arrestations pour ce même genre de crime Néanmoins, il semble que parfois Tommy s'attire facilement des problèmes.

L'image de soi de Tommy est clairement celle d'un homme fort et invincible, même si, en réalité, ce géant est aussi un extraordinaire parent de substitution pour ses neveux et nièces qu'il soutient financièrement, pour lesquels il cuisine et agit comme le père qu'ils n'ont jamais eu (il n'a lui-même jamais été marié). Il est également celui qui reste éveillé toute la nuit pour s'occuper de sa mère, veuve, qui souffre de la maladie d'Alzheimer et d'un état cardiaque grave. En outre, il joue le Père Noël pour les enfants dans les salles de leucémie à Trenton, lesquels lui font fête et l'appellent "notre oncle Tommy". Il est toujours l'homme fort et le sauveteur de tout le monde.

Depuis des années, Tommy a fait des travaux de bricolage et d'entretien chez moi et, à de nombreux égards, c'est comme s'il faisait partie de ma famille. Je compte absolument sur lui pour tout réparer, gaiement et sans délai. J'ai donc eu beaucoup d'occasions de l'observer en train de remettre à plus tard son besoin de soins médicaux jusqu'à ce qu'il lui devienne absolument nécessaire d'accepter un traitement.

Il affirme être en mesure de récupérer presque miraculeusement de ses blessures, et en fait, il possède vraiment un système immunitaire incroyable. Mais il va aussi vous dire que "ça va très bien" même quand il peut à peine bouger. Son image d'homme invincible le maintient dans la bonne humeur, cependant il surnage au milieu de difficultés qui semblent suffisantes pour faire durer un feuilleton pendant des années.

Comme je connaissais si bien la fierté de Tommy pour sa capacité de faire face à n'importe quoi et à tout ce qui lui arrive, j'ai été profondément préoccupée, il y a un an, en entendant sa voix au téléphone me disant qu'il allait quitter la ville pour toujours. Il fallait juste qu'il "sorte" et qu'il ne revienne jamais. Il y avait une urgence considérable dans son ton de voix et il parlait sans s'arrêter d'une manière presque incohérente.

Il s'est avéré que pendant une tempête de neige, la veille, un accident mortel avait eu lieu sur sa propriété. Une voiture avait dérapé sur la route et s'était écrasée contre l'un de ses arbres. Tommy avait réussi à ouvrir les portières et à soulever le chauffeur pour le faire sortir, mais il était mourant et, en fait, il était mort dans les bras de Tommy - comme l'avaient fait certains de ses compagnons de guerre, de nombreuses années auparavant.

En me téléphonant le lendemain de l'accident, Tommy m'a dit qu'il "voyait" son arrière-cour en flammes avec des bombes qui éclataient, exactement comme sur les champs de bataille pendant la guerre. "Je ne sais pas ce qui se passe!" répétait-il, "mais il faut que je quitte cet endroit ! Il faut que je m'en aille !"

Je savais que Tommy avait appelé parce qu'il respectait le fait que je sois une psychologue professionnelle et parce qu'il me faisait confiance. Il est clair qu'il voulait mon aide, sinon il aurait tout simplement quitté la ville comme il menaçait de le faire. J'ai réalisé que j'aurais à vaincre sa résistance à accepter une aide médicale ou psychologique de quelque sorte que ce soit avant que je puisse vraiment l'aider - son image de "Je vais bien! Je peux y arriver tout seul!" risquait de sérieusement gêner tout traitement.

Comme il était inutile d'essayer de le convaincre au téléphone de la valeur de l'EFT, j'ai simplement dit : - "Tommy, venez ici, tout de suite ! Nous pouvons résoudre ce problème. J'ai quelque chose qui peut vous aider." 
J'étais absolument déterminée à faire en sorte que l'EFT marche pour lui en dépit de tout, mais l'astuce allait être de demander à Tommy de rester là en appliquant le traitement jusqu'à ce que ça marche, l'agitation étant une caractéristique importante de son attitude même dans des circonstances ordinaires.

Lorsque Tommy est entré dans ma maison, j'ai vu que ce géant tremblait de manière sensible et que son visage paraissait cendreux. Je l'ai fait asseoir immédiatement. Je n'ai pas fait de présentation de la méthode EFT, il n'y avait pas le temps pour ça. Juste une très brève description :
- "Je vais utiliser une nouvelle méthode qui peut faire partir le genre de difficulté que vous rencontrez en ce moment. C'est basé sur l'acupuncture, mais on n'utilise pas d'aiguilles ni autre chose. On l'a utilisée avec des vétérans du Viet Nam qui ont les mêmes problèmes que ce que vous traversez, et avec beaucoup de succès."

COMMENTAIRE DE GARY CRAIG: Impressionnant! En quelques mots, Pat a fait usage de sa congruence et de son autorité pour relier plus rapidement l'EFT avec l'utilisation qui en est faite pour d'autres vétérans du Viet Nam. Parfois, quelques mots bien choisis, dits avec conviction, peuvent exprimer bien plus que plusieurs pages de rhétorique.

PAT CONTINUE : Evidemment, j'ai dit cela parce que je voulais que Tommy croie que la technique marcherait pour lui - et je n'ai pas eu le luxe de la prudence que nous utilisons dans un travail expérimental où l'on fait attention de ne jamais influencer le sujet ni lui "suggérer" des résultats positifs. J'avais besoin de toute l'aide possible. La confiance dans la technique de la part de celui qui l'utilise peut être une grande aide.

Une chose dont j'étais certaine, c'est que l'image de "macho" de Tommy ne pouvait pas lui permettre de s'effondrer et d'exprimer les émotions réelles qui sous-tendaient ses réactions intenses - c'était interdit dans sa vision de lui-même. C'est pour cette raison que je ne voulais pas utiliser une approche qui pourrait l'emmener dans une abréaction des expériences de sa nuit précédente ou de sa période de guerre (abréaction = les revivre). Je ne pouvais pas utiliser une technique qui pourrait l'amener à exprimer ce qui serait pour lui une émotion profondément humiliante. Si je devais le faire, je savais que j'allais tout simplement "le perdre", qu'en un éclair il serait hors de chez moi.

Alors, j'ai choisi d'utiliser la Technique du Traumatismes sans Larmes, que j'ai rapidement mise en place pour empêcher Tommy de foncer tête baissée dans les restrictions de son image de lui-même. Je lui ai dit qu'il ne devait même pas penser à l'incident ni (plus tard) aux scènes de bataille, mais qu'il allait simplement "deviner" ce que son niveau d'intensité (un chiffre sur une échelle de 0 à 10 où 10 est le maximum de détresse) pourrait être s'il devait penser à ces choses.

Bien que l'évalulation initiale de Tommy soit un "10 Plus", il était capable de répéter la "phrase de départ" :
- "Même si cet homme a été tué sur mon terrain ..."
et il a fait un cycle de tapotage sur cette idée. Remarquez que j'ai fait exprès de ne pas demandé à Tommy de décrire sa réaction émotionnelle concernant l'événement, mais que je l'ai aidé à construire le "rappel" afin de refléter seulement les faits, lesquels en eux-mêmes évoquent évidemment beaucoup d'émotion.

Tommy était en mesure de suivre ces instructions sans repenser en détail à l'accident. Il a simplement répété le "rappel" qui s'y appliquait. Après avoir tapoté de cette façon pendant une séquence complète, il était évident qu'il ressentait un certain soulagement. Sa respiration était devenue plus facile, ses yeux étaient plus focalisés et il se décrivaitt comme allant "un peu mieux". Après avoir fait une nouvelle séquence de tapotage, Tommy se sentait mieux pour le moment. Alors, sur une intuition, j'ai proposé que nous passions directement aux souvenirs de guerre. Je lui ai demandé s'il avait vu des hommes mourir ainsi pendant la guerre.
- "Ouais. Parfois, ils sont morts dans mes bras comme ça." a-t-il dit.

Je lui ai alors demandé de dire :
- "Même s'ils sont morts dans mes bras pendant la guerre ...",
tout en lui rappelant de NE PAS IMAGINER les expériences de guerre, mais seulement à le DIRE dans la phrase de rappel. Il a fait comme je suggérais.

En tout, Tommy a fait environ huit à dix séquences de tapotage et je me suis regardée moi-même avec étonnement tandis que son niveau d'intensité descendait et qu'en seulement 12 minutes il atteignait zéro. Il avait cessé de trembler, il paraissait un autre homme et ne cessait de répéter: "Ce truc, c'est autre chose! Ce truc, c'est autre chose!" encore et encore.

Le traitement de Tommy a remarquablement bien réussi. Il a pu retourner au travail ce jour-là sans aucune difficulté et ne s'est pas "enfui hors de l'Etat" comme il croyait devoir le faire avant. J'ai suivi de près sa situation pendant plus d'un an après cet incident et ce problème d'images récurrentes ne s'est jamais plus manifesté. De même, il n'était plus gêné par l'accident mortel survenu sur sa propriété.

D'après mon expérience avec l'EFT, on peut souvent s'attendre à un tel effet durable si le traitement initial a été couronné de succès. Dans ce cas précis, je suis convaincue que nous n'aurions pas pu obtenir d'excellents résultats sans l'utilisation de la Technique du Traumatismes sans Larmes. Du fait que la douleur psychique soit maintenue à son minimum grâce à cette technique, les émotions extrêmement perturbantes de Tommy devenaient gérables. Tommy n'a pas eu à subir l'humiliation de "perdre la face" devant une autre personne, ni devant lui-même. C'est peut-être grâce à cela qu'il a pu accepter le fait que le traitement soit efficace et ne pas se sentir obligé de renier ce fait dans (ce que les praticiens EFT anglo-saxons appellent) l'effet Apex (le refus d'admettre que l'EFT a eu un résultat positif). Est-il possible que le phénomène de l'Apex ne se produise que lorsque l'Image de Soi d'une personne est en danger d'être brisée si la personne reconnaît que le traitement a réussi ?

Il y a un autre fait intéressant cependant. Tommy refuse d'utiliser EFT pour tous les autres problèmes qui ont surgi depuis cet incident - même s'il admet sa grande utilité. Il ne va pas, par exemple, l'utiliser pour la souffrance intense qu'il peut parfois ressentir à cause de son handicap. Pas plus que pour sa détresse devant certains de ses problèmes familiaux assez urgents. Mais encore une fois, s'il le faisait, ce serait détruire son image d'invulnérabilité - c'est beaucoup trop lui demander.

En résumé, l'expérience de Tommy m'a convaincue une fois de plus de la grande valeur de la Technique du Traumatisme sans Larmes. Un de ces jours, je rendrai compte de la façon dont je l'utilise régulièrement pour aider mes clients en cours de psychothérapie lors de toute difficulté plus perturbante qui pourrait leur donner envie de fuir la psychothérapie (réellement ou émotionnellement). Un point important à retenir est le fait que cette méthode ne s'applique pas uniquement au traumatismes majeurs. C'est une façon merveilleusement humaine de traiter de nombreux problèmes graves auxquels nos clients font face. Je ne peux qu'insister très fortement pour vous inciter à l'essayer!

Avec mes meilleurs souhaits,

Patricia Carrington
(Docteur en psychologie, chercheur et professeur à l'Université de Princeton)

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